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Mémoire d’un peuple libre, au rythme du Sexteto Tabalá

A la fin du XVIème, des esclaves en fuite nommés « cimarrones », avec à leur tête Benkos Bioho, se réfugient dans les montagnes autour de Carthagène et mènent une guérilla contre la couronne espagnole.

Suite à un premier accord de paix, ces « cimarrones » créent leur propre village en 1604, devenu par la suite San Basilio de Palenque, le premier village libre d’Amérique, et vit en autarcie pendant presque 400 ans.

Aujourd’hui peuplé de 5.000 habitants environ, le village a été proclamé « chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité » par l’UNESCO en 2005 parce qu’il a su sauvegarder ses traditions comme la langue palenquera et sa culture musicale. Voici Rafael Cassiani Cassiani, fondateur d’un groupe légendaire de ce village, le « Sexteto Tabalá »

Interview – montage son : Frédéric Tonin
Illustration et Graphisme : Rémy Porcar
Textes et traduction : Frédéric Tonin
Musiques :
Manuela Torres « Palenque Un Rincón De África » (Soul Jazz Records)
Sexto Tabala « Clavo Y Martillo » (Ocora)
Sexteto Tabalá « Con un Solo Pié » (Palenque Records)
Sexteto Tabalá « Eso no es ná » (Palenque Records)
Rafael Cassiani Cassiani « Esta tierra no es mía » (Palenque Records)
Remerciements : Lucas Silva

Mon nom est Rafael Cassiani Cassiani, fondateur et directeur du Sexteto Tabalá à San Basilio de Palenque. Le Sexteto Tabalá est un Sexteto que j’ai fondé, je l’ai hérité de mes oncles qui avaient créé le Septeto en 1927. J’avais 8 ans lorsqu’ils m’ont formé, et à partir de là, j’ai joué avec le Septeto, et jamais je n’ai oublié le Septeto, j’ai joué toutes sortes de musiques, mais je n’ai jamais oublié mon Septeto, je l’ai toujours en moi, parce que la vie est très belle, mais elle a une fin et personne ne sait ce qu’il va se passer demain, vous savez vous ?

Le nom « Tabalá » c’est moi qui l’ai donné, de par mon expérience ; mes oncles n’avaient pas cherché un autre nom que « Septeto Habanero », et on jouait en tant que « Septeto Habanero » jusqu’à il y a un peu plus de 40 ans, quand j’ai changé en « Sexteto Tabalá » de San Basilio de Palenque. « Tabalá » signifie « tambour de guerre » ; quand est né San Basilio de Palenque, la deuxième musique a été le tambour.

La musique que joue le Sexteto, je vous explique : je ne sais ni lire ni écrire ; mais ce sont des « sones », mon ami. Nous on joue des « sones », porro et boléro, voilà ce que joue le Tabalá.
En ce temps-là, les sones et musiques cubaines se jouaient sur toute cette partie de la côte. Et mes oncles ont commencé à arranger, avec le Septeto habanero, du son palenquero.
Six instruments, six musiciens, et le reste ce sont des voix ; en premier la conga ; la marimbula la voici ; ensuite les maracas, les bongos, ensuite la clave, et la dernière c’est la guacharaca.
Tout le Sexteto Tabalá je le transmets avec ma musique, je ne chante que mes chansons, en espagnol, je ne chante pas en palenquero parce que sinon on me demande toujours, tout comme on me demande ce que signifie le mot « Tabalá » ; je chante pour que tout le monde comprenne et sache de quoi il s’agit.

Voici le premier « son » que j’ai composé dans ma carrière, « Cette terre n’est pas à moi » :
Cette terre n’est pas à moi, Cette terre n’est pas à moi,
Cette terre n’est pas à moi, cette terre est à la nation
La sucrerie de Santa Cruz, une chose puissante
Ils ont perdu leurs illusions et ils ont tout détruit.

Ils ont perdu leurs illusions et ils ont tout détruit.
Cette terre n’est pas à moi, Cette terre n’est pas à moi,
Cette terre n’est pas à moi, cette terre est à la nation
Cette terre n’est pas à moi, Cette terre n’est pas à moi,
Cette terre n’est pas à moi, cette terre est à la nation
Je suis parti à la chasse, ce que j’ai tué c’est un perroquet
La perdition de la Colombie depuis l’arrivée de l’Incora
La perdition de la Colombie depuis l’arrivée de l’Incora
Cette terre n’est pas à moi, Cette terre n’est pas à moi,
Cette terre n’est pas à moi, cette terre est à la nation
La réforme agraire est arrivée avec une chose infinie
Et le mal qu’ils ont fait : ils nous ont laissés sans sucre
Et le mal qu’ils ont fait : ils nous ont laissés sans sucre
Cette terre n’est pas à moi, Cette terre n’est pas à moi,
Cette terre n’est pas à moi, cette terre est à la nation

Rafael Cassiani Cassiani est décédé en juin 2022