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Ceferina Banquez : chants de lutte et d’exil

La trajectoire musicale de Ceferina Banquez est très atypique. Même si elle chante depuis toute petite, elle a commencé une carrière musicale à plus de 60 ans, en chantant le bullerengue à sa manière et en lui donnant une touche très personnelle.
Ceferina Banquez a changé la tradition du bullerengue ; traditionnellement chant de femmes, chroniques du quotidien, Caferina l’a adapté au contexte dans lequel elle vit, c’est-à-dire son histoire, sa condition de femme Noire, de paysanne, mais surtout en parlant du conflit armé.
Originaire d’une région du nord de la Colombie appelée « Montes de María », près de Carthagène, elle a dû fuir pendant 16 ans comme victime du déplacement forcé y du conflit armé.
Le travail de Ceferina Banquez a été reconnu en 2013 avec un prix du Ministère de la Culture pour son engagement à l’enrichissement culturel des communautés Noires et Afrocolombiennes, suite à son magnifique disque “Cantos ancestrales de Guamanga”. Elle est décédée en juillet 2023 à l’âge de 80 ans.

Interview, montage son : Frédéric Tonin
Illustration, graphisme, montage vidéo : Yorki Baser & Rémy Porcar
Texte et traduction : Frédéric Tonin & Alejandra Pinzón García

Musiques :
Ceferina Banquez – Epa, epa
Ceferina Banquez – Kasimba
Ceferina Banquez – No me dejen sola
Ceferina Banquez – La coca pila
Ceferina Banquez – No me lloren
(Karibona World Music)
Remerciements : Juan David Banquez Mendoza

Images et photos :
0’20 : photo : ceferina_banquez.jpg ou : ceferina-banquez3.jpg
0’40 :
1’00 : dessin pecheurs à venir
1’20 : dessin yorki Ceferina Machete 001
1’40 : dessin yorki Cefernia Platanera
2’00 : dessin yorki : Paramilitar 001 final
2’20 : dessin yorki : Ceferina 002 Final
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3’00 : dessin yorki : Ceferina Cantando 001
3’20 : photos : ceferina1
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4’00 : dessin yorki : Tambores
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7’00 : dessin yorki : Ceferina 001 Final

00:00:20:12 Je m’appelle Ceferina Banquez Theran, je suis de Colombie, département
de Bolivar, je suis née à la campagne, je suis une paysanne, et j’ai 75 ans.
00:00:40:12 Quand j’étais petite, j’avais des tantes paternelles et maternelles étaient chanteuses et compositrices de bullerengue.
00:00:46:12 Elles ne chantaient que dans le village, ou dans un village voisin, mais pas plus loin, elles ne sont même pas allées jusqu’à Carthagène.
00:00:56:12 Ma jarre a séché et je suis allée au ruisseau ; Le ruisseau est monté et ma kasimba s’est couverte
00:01:06:12 je suis restée sans eau ; Je retourne à Guamanga, Je n’ai plus d’eau
00:01:14:12 Quand mon mari était vivant il était agriculteur ; lorsqu’il est décédé, j’ai du m’en occuper, je sais semer du maïs, du yuca, du manioc, chercher l’eau à la rivière…
00:01:23:12 j’ai dû m’occuper toute seule de tout ça, parce que j’avais 6 enfants, et ça a été dur, je devais faire ce qu’il faisait pour pouvoir nourrir mes enfants.
00:01:33:12 Ne me laissez pas seule, ne me laissez pas ; Ne me laissez pas
00:01:49:12 Pourquoi pars-tu seule tambo’ ? ; Tu pars et comment je reste
00:02:03:12 En 1999 le conflit a commencé dans la région où je vivais ; le conflit entre la guerilla et les paramilitaires ; on a dû partir, « déplacés ». A cette époque, je ne chantais pas.
00:02:25:12 En 2007 j’ai commencé à écrire mes premières compositions ; je me suis réveillée avec cette idée en tête, pour si un jour j’avais la possibilité d’arriver à composer
00:02:39:12 Avec cette envie profonde, ce désir de faire une chose que vous n’avez pas jamais pu faire, et un jour se dire « Je peux le faire ! »
00:02:46:12 Et je me suis délivrée de cette souffrance lorsque j’ai commencé à chanter : ma vie a changé
00:02:55:12 Les compositions reflètent des évènements qui se sont vraiment déroulées ; on raconte de vraies histoires. Et comme je suis une « déplacée », je parle de mon « déplacement »
00:03:07:12 Comme je suis déplacée des Montes de María ; J’ai écrit cette chanson parce qu’ils ont tué mon neveu
00:03:17:12 En 1993, ils ont tué Donicel ; Ils m’ont envoyé un papier pour que je le sache
00:03:27:12 Comme c’était mon neveu, j’ai dû partir ; Je n’avais nulle part où aller et je suis allée au Magdalena
00:03:37:12 Ô Colombie, Ô Colombie, le pays est compliqué ; La violence ne s’arrête jamais et n’a pas de fin
00:03:46:12 Je dois parler à Santos et au Président Obama ; Pour que s’arrête la notoriété
00:03:54:12 de la Colombie : le plomb et la marijuana
00:03:57:12 Lorsque j’ai chanté cette chanson on m’a dit : « Cefo, tu as un bon talent pour écrire »
00:04:02:12 Allons à Lorica , allons à Belén ; A mi-chemin nous prendrons le train
00:04:20:12 Quand j’ai commencé à chanter, mes enfants ont été impressionnés « Comment se fait-il que notre maman chante si bien ? »
00:04:28:12 « Nous ne savions même pas qu’elle composait, qu’elle écrivait » Et ils ont été surpris lorsque j’ai commencé à chanter
00:04:33:12 Si j’avais été morte avant ça, je l’aurais emmené avec moi ; Et personne n’aurait su que j’avais ce talent
00:04:50:12 Parmi mes chansons, j’en ai une qui dit « si je vais à Guamanga » Parce que je voulais, après la violence revenir à ma ferme
00:05:01:12 Je demande la paix pour la Colombie ; Parce que je veux revenir, mes amis ne me pleurez pas
00:05:06:12 Si je retourne à Guamanga ; Guamanga c’est là où j’ai ma ferme, où je vis
00:05:15:12 Ne me pleurez pas si je retourne à Guamanga, mes amies me disaient de ne pas y aller, parce que la guerilla pouvait me tuer
00:05:25:12 Je leur dis donc de ne pas me pleurer, Si je vais à Guamanga, je reviens
00:05:30:12 Si je n’y retournais pas, je perdais ma ferme
00:05:30:12 Quand les présidents ont cherché des moyens de faire la paix avec les narcotrafiquants
00:05:55:12 De faire un référendum pour que les gens votent oui ou non ; Ceux qui ont voté oui, nous avons perdu
00:06:00:12 Et ceux qui ont voté non, c’était pour continuer la violence ; ça m’a beaucoup affecté, j’ai beaucoup pleuré, j’ai souffert
00:06:08:12 Je me suis dit « la violence va revenir, on va encore souffrir » Principalement nous qui sommes à la campagne
00:06:15:12 Alors j’ai écrit ça, pour parler de la paix ; Je veux la paix parce que je suis une « déplacée »
00:06:21:12 Adieu adieu, maman, comme je suis une « déplacée » ; Je suis descendue de la montagne des Montes de María
00:06:32:12 A six heures du matin, j’ai entendu des coups de feu ; Et comme j’ai eu peur, je marchais
00:06:42:12 du salon à la cuisine, je pleurais avec ma marraine ; Je pleurais sans consolation
00:06:50:12 Mon grand-père est venu me prévenir ; Ils ont tué mon neveu
00:06:56:12 Ô Colombie, Ô Colombie, le pays est compliqué ; La violence ne s’arrête jamais et n’a pas de fin
00:07:04:12 Nous devons parler avec le Président Santos ; Et l’ex Président Uribe, et aussi avec Timochenko
00:07:14:12 Nous devons pardonner pour obtenir la paix; Nous sommes tous colombiens
00:07:22:12 Ô Colombie, mon pays, je n’ai pas eu une vie tranquille. Ni de nuit, ni de jour
00:07:28:12 Nous devons pardonner pour obtenir la paix. Ô Colombie, Ô Colombie…