Skip to main content

Les voix du Pacifique

Chanteuse de musique traditionnelle du Pacifique Sud Colombien, Nidia Góngora a réussi à créer des ponts entre la musique traditionnelle de sa Timbiquí natale et d’autres styles musicaux à travers ses différents projets (avec Quantic, Ondatropica, La Pacifican Power, Alé Kuma, The Bongo Hop, entre autres).
Son projet Canalón de Timbiquí est un groupe de musique traditionnelle qui évoque les sons ancestraux de la côte Pacifique, reproduisant toute la puissance et les rythmes des instruments traditionnels (la marimba de chonta, le Bombo, le Cununo y le Guasá).

Interview, montage son : Frédéric Tonin
Illustration, graphisme, montage vidéo : Rémy Porcar
Texte et traduction : Frédéric Tonin et Alejandra Pinzón García
Musiques :
Canalón de Timbiquí – Tio Guachupesito
Canalón de Timbiquí – De mar y río
Canalón de Timbiquí – Malvada
Canalón de Timbiquí – Quitate de mi escalera
Canalón de Timbiquí – Arrullando
(Llorona Records)
Remerciements : Nidia Góngora, Yessica Ivette Arroyo Alomia, Yoceline Ocoro Carabalí

Je m’appelle Nidia Góngora, je suis chanteuse de Timbiquí et je travaille avec le projet Canalón de Timbiquí.
Un des objectifs du groupe Canalón de Timbiquí est de diffuser, conserver et transmettre les musiques traditionnelles de marimba, et chants du Pacifique Sud Colombien. Nous sommes déjà depuis de nombreuses années ici dans la ville de Cali, où nous réalisons un travail de diffusion de nos musiques, et de transmission aux nouvelles générations à travers la pépinière Canalón. Nous faisons un travail social à travers la musique.

Un de nos objectifs à travers la musique, c’est de pouvoir amener des messages différents là où nous pensons qu’ils doivent être entendus. Le Pacifique est une région riche, en biodiversité, culturellement, musicalement, il y a une grande richesse, une grande diversité, mais c’est une région où le soutien de l’État a été absolument oublié, de nombreux espaces nous ont été refusés ou sont inaccessibles.

Nous avons considéré la musique comme un outil, un élément, qui nous permet d’atteindre et de rejoindre ces espaces par le chant pour y transmettre le message que nous voulons tant véhiculer : réclamer et défendre nos droits fondamentaux, montrer tout notre potentiel, parce qu’à travers l’histoire nous avons contribué à la construction de ce pays, de cette nation, et cela ne nous a pas été reconnu, comme peuple Noir. Donc ce qu’on recherche à travers la musique, à travers ces messages et nos chants, c’est la revendication du peuple Noir.
Nous savons et connaissons la valeur de la musique traditionnelle du Pacifique, et à travers chacune de ses manifestations elle apporte beaucoup d’éléments sociaux, personnels, la sensibilité, la construction de la mémoire ; nous voulons toucher d’une certaine manière la sensibilité des gens pour qu’ils prennent conscience, de toutes les choses qui nous empêchent d’avancer comme peuple et nous empêchent de nous unir. On voit beaucoup de différences, beaucoup d’inégalités et aussi beaucoup d’isolement.

Le terme « arrullo » pour nous est très important. L’« arrullo » a plusieurs connotations pour notre peuple ; de manière générale, l’« arrullo » est un chant qui se transmet avec amour dans un lieu de prière, de repos, de calme, à un enfant, un jeune, ou un adulte. Mais aussi l’« arrullo » c’est la réunion de musiciens ou des gens de la communauté, pour qu’à travers le chant exprimer de la joie. A timbiquí principalement, l’« arrullo » est une cérémonie, ou rituel en rapport avec l’arrivée des Rois Mages, pour présenter Jésus sous la forme d’un homme. Mais quel que soit le contexte, l’« arrullo » est en lien avec la musique.

Dans cette chanson, je fais une description de cet amour maternel et fraternel qui a toujours existé et existe toujours dans le Pacifique, et c’est peut-être ce qui nous a permis d’accéder à cette sensibilité que nous avons. Il y a toujours de la musique, des « arrullo » autour de nous, il y a toujours de la passion et de la joie autour de nous ; le chant est toujours lié à chaque aspect de la culture de notre peuple, de nos territoires.

Donc cette chanson décrit en grand partie ce que nous sommes et ce que nous possédons, et la manière dont nous vivons, et ça dit :

Le petit enfant pleure, que quelqu’un vienne le porter
Le petit enfant pleure, que quelqu’un vienne le porter
et appelez sa mère pour lui donner la têtée,
et appelez sa mère pour lui donner la têtée,
Et s’il ne se tait pas, Arrullando
Je l’ai déjà porté
Donnez-lui le sein,
Pour qu’il ne pleure plus,
Silence mon enfant,
Calme-toi
Il n’y a personne pour te bercer,
Quand l’enfant dort
Ne fais pas de bruit
Quand l’enfant dort
Ne fais pas de bruit
Si tu en fais, sors le sein
Pour lui donner à manger
Si tu en fais, sors le sein
Pour lui donner à boire
Tapote-le dans le dos
Il est soulagé, Arrullando
pour qu’il ne pleure plus
Fais-le tourner
fais-le danser
Masse sa poitrine
Change-lui la couche, Arrullando…
Quand un enfant naît à Timbiquí, on le reçoit au monde avec son « arrullo »,
à partir du moment où il commence à être enfant, on lui apprend à danser
Tout dans ma ville est fête, même au moment de travailler
Et mon âme devient toujours joyeuse quand j’entends : « vamos a arrullar »
Arullamos celui qui naît, Arullamos à Jésus
Arullamos à la Vierge, et auquel le monde a donné naissance