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San Basilio de Palenque est un village construit sur une tradition de résistance : rébellion contre l’esclavage dans les siècles précédents, résistance culturelle actuellement. La nouvelle génération de musiciens héritiers de la tradition musicale du village est représentée entre autres par Andris Padilla, alias Afroneto, leader et fondateur du groupe Kombilesa Mi.

Le groupe contribue à sa manière à sauvegarder l’immense patrimoine culturel de son village, reconnu comme patrimoine oral de l’humanité par l’UNESCO en 2005. En mélangeant de manière originale le hip-hop et la musique traditionnelle palenquera, le groupe invente son propre style musical, le «RFP», Rap Folklórico Palenquero. (Photos : Guillermo Camacho)

(Podcast en espagnol)

Je m’appelle Andris Padilla Julio, connu sous le nom d’Afroneto, directeur du groupe Kombilesa Mi ; je suis également conseiller en identité et culture du conseil communautaire Macancamana de Palenque et leader jeunesse, gestionnaire culturel de la communauté palenquera.

Kombilesa Mi est un mot qui signifie « mes amis », c’est un mot pour désigner l’amitié mais il est utilisé au singulier et au pluriel.

Je suis aussi le créateur du genre RFP, « rap folklorique palenquero », c’est une fusion entre le rap, le folklore palenquero et colombien et le palenquero : la langue palenquera, l’être palenquero, le savoir-faire palenquero ; c’est pourquoi c’est RFP : « rap folklorique palenquero ».

Et à travers ce genre, nous racontons les choses quotidiennes qui se déroulent dans la communauté, nous faisons également quelques dénonciations concernant des choses qui affecte la population, que ce soit sur le plan environnemental, politique, social, économique, culturel, bref, et nous le faisons avec les instruments traditionnels palenqueros : le tambour alegre, le llamador, les maracas, la marímbula, la tambora, nous le faisons en langue palenquera et aussi parfois en espagnol.

La marímbula est un instrument très important, non seulement à Palenque mais aussi à l’échelle des Caraïbes, car cet instrument était également utilisé à Cuba. Le tambour est également important, car il a été le premier moyen de communication des palenqueros et palenqueras. C’était ce carillonneur qui annonçait les différents événements qui se déroulaient à travers des codes musicaux. Les gens savaient déjà que lorsqu’ils entendaient un rythme, ils connaissaient l’événement qui se déroulait, donc le tambour est aussi un instrument important au sein de la culture palenquera.

Nous essayons toujours de nous connecter à l’Afrique, en gardant à l’esprit qu’elle est le berceau de l’humanité, mais aussi de nos vies, de nos actions, de nos sentiments ; nous lui devons tout ce que nous avons et ce que nous sommes, car nous avons été défendus et fondés par des Africains. Alors, c’est un héritage que nous perpétuons et par conséquent, bien que nous soyons très éloignés, nous sommes proches par la connexion, la fierté et l’amour.

Et ce que nous faisons, c’est fusionner ces rythmes contemporains avec les rythmes traditionnels. Pourquoi cette idée m’est-elle venue ? Parce que de nombreux jeunes et enfants s’éloignaient de la tradition, parce qu’ils étaient absorbés par la contemporanéité. C’est-à-dire, par les rythmes modernes, le reggaeton, le trap, le rap, l’afrobeat et quelques autres. Ce que j’ai fait, c’est d’unifier à la fois le traditionnel et le contemporain afin qu’ils aient les deux en un seul. Et de là, pouvoir les faire tomber amoureux, les sensibiliser et les amener à se reconnaître eux-mêmes, à ne pas négliger ce qui leur appartient, ce qui est propre à eux, par ce qui vient de l’extérieur.

Les maîtres de musique de Palenque sont très attachés à leur tradition. Ce sont des personnes qui feront difficilement fusionner leur musique. Pour nous, cela n’a pas fait exception, les aînés se sont approchés de moi et effectivement, au fil du temps, ils se sont rendu compte qu’il était nécessaire de faire ce que je voulais faire avec le RFP. C’est un genre qui renforce aujourd’hui la musicalité palenquera, il fait partie de ces différents genres musicaux de Palenque. Et pour moi, c’est une fierté.

J’ai aussi rajouté la langue palenquera parce qu’il y avait un plus grand intérêt pour l’anglais et l’espagnol que pour la langue traditionnelle palenquera. Cela répond à la discrimination et au racisme subis lorsqu’on quittait Palenque pour les grandes villes de Carthagène, Barranquilla, Bogotá, que ce soit pour étudier ou travailler. Les palenqueros et les palenqueras étaient synonymes de moquerie, synonymes de discrimination parce qu’ils parlaient la langue traditionnelle palenquera que les gens ne comprenaient pas, qui était une langue propre d’origine africaine. Pour eux, c’était un espagnol mal parlé, c’est pourquoi de nombreuses personnes de Palenque ont refusé de parler leur langue par peur d’être discriminées et rejetées.

Nous voulons transmettre beaucoup de choses, d’abord que les personnes qui ne connaissent pas Palenque le découvrent à travers les récits rappés ou chantés que nous faisons, qu’elles s’enthousiasment et veuillent en savoir plus sur Palenque, mais qu’en plus, grâce à la musique que nous faisons, nous permettons également à de nombreuses personnes d’apprendre la langue palenquera à travers nos chansons et de connaître les différentes manifestations de la communauté palenquera qui font partie du patrimoine, qu’elles sachent que Palenque est un village défendu par un Africain, Benkos Biohó, qu’elles sachent que Palenque est la terre d’Antonio Cervantes Kid Pambelé, premier champion de boxe colombien palenquero, qu’elles sachent qu’Evaristo Marquez a été le premier acteur de cinéma colombien, qu’elles sachent que c’est la terre de Graciela Salgado, grande tamborera colombienne palenquera, de Paulino Salgado Batata, également l’un des meilleurs tamboreros colombiens, que Palenque possède le meilleur livre de cuisine du monde, qu’il y a eu une reconnaissance gagnée à Pékin face à de nombreux chefs professionnels du monde entier, qu’elles sachent que nous avons ici notre médecine traditionnelle à travers les plantes, nnotre boisson traditionnelle qui est le ñeque, notre gastronomie, les sucreries, c’est que c’est le seul village où la joie se mange.

Il y a une chanson qui s’appelle Ma kuagro. Ma kuagro fait allusion aux « kuagros », les générations, mais en particulier à la génération de Kombilesa Mi. Et dans cette chanson, nous racontons ce qu’est Kombilesa Mi, et un peu de ce que fait Kombilesa Mi, un peu de ce que Kombilesa Mi recherche avec ce type de musique. C’est la chanson qui nous a fait connaître, pour ainsi dire, c’est l’hymne de Kombilesa Mi. Il dit : « Ici, nous parlons et entretenons la langue palenquera. Nous mélangeons le hip-hop, le rap, avec le bullerengue. Avec tous les instruments : tambora, marimbula, maracas et llamador. Ainsi, mon tableau sonne bien, sans trombone, trompette ni saxophone. Nous préservons l’identité de Palenque et sa tradition. Avec un cœur aussi grand que celui de King Kong ».